Passéiste ? À contre-courant ? Peut-être ! Cette semaine nous avons voulu évoquer le sacro-saint mode manuel. L’inspiration est osée tant l’industrie a considérablement évolué en proposant des technologies qui privilégient une assistance et une automatisation à la prise de vue qui pourraient laisser penser que les bases techniques d’apprentissage de la photographie sont devenues moins indispensables, voire obsolètes. La promesse est réelle et alléchante : mise au point automatique, focus stacking, pilotage de l’autofocus à l’œil, suivi et reconnaissance du sujet avec le deep learning, mode programme exhaustif permettant de capturer un portrait, un feu d’artifice… Tout concourt à éviter la désillusion d’une image manquée ! C’est presque impossible aujourd’hui. Pourtant résumer une intention photographique à la seule opportunité d’être là au bon endroit et au bon moment en laissant son outil « faire le travail à sa place » est réducteur. La quête du photographe est plus subtile pour ne pas dire égotique. N’avons-nous pas la certitude que notre image est unique et le reflet inégalable de notre propre regard ? Ce constat n’est-il pas à la source de la motivation la plus intime du photographe pour déclencher et proposer sa propre histoire des événements auxquels il assiste ? Nous croyons à la narration subjective de la photographie. On imagine mal qu’un être humain ne puisse affronter, au moment de déclencher face à une scène, le tumulte émotionnel de ses pensées qui précède au point de vue qu’il va proposer sur le monde avec une simple image fixe. Surtout quand celui-ci a de grande chance de finir sur les réseaux sociaux en vue d’acquérir la reconnaissance d’une œuvre singulière. L’exercice est certainement présomptueux, mais nécessaire à toute création originale. Et aussi puissants et évolués que soient les boîtiers modernes, nous pensons que savoir comment fonctionnent les principes intangibles de la photographie (ouverture, vitesse et sensibilité ISO) reste fondamental pour juger de la pertinence d’utiliser à bon escient telle ou telle technologie aussi évoluée soit-elle. Il y a cette recherche permanente de maîtrise pour prévisualiser l’image qui est au cœur des mécanismes et des techniques que le photographe actionnera pour soutenir son propos pictural. D’ailleurs il existe encore des situations où il ne pourra faire l’économie de l’usage du mode manuel pour réussir son cliché. Cet avant-propos peu sembler très romantique ou philosophique mais c’est peut-être aussi la raison pour laquelle nous considérons encore aujourd’hui, malgré la domination de la technologie, la photographie comme un art !

Bonne écoute !

Photo : © Fujifilm France